L'art HyperBrut
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Avez-vous déjà resenti une forme d’équilibre, harmonie, esthétisme, étrangeté dans des affiches collées puis déchirées ?
Ou dans du métal qui rouille et qui craquelle de la peinture ?
Ou dans la disposition de chewing-gums sur un bout de trottoir ?
Ou dans une façade d’immeuble qui s’abîme avec le temps ?
Ou dans un tache que vous auriez faite un jour ?
J’ai donné un mot à ces différentes formes d’équilibre, harmonie, esthétisme, étrangeté, et ce mot est GesteBrut. Puis j’ai créé une forme d’art, l’art HyperBrut, afin d’exposer les GesteBrut. Cela s’est passé dans l’année 2014 et depuis mes dessins, peintures, écrits proviennent de la réutilisation de cette forme d’équilibre, harmonie, esthétisme, étrangeté. L’oeuvre Univers 0 provient elle aussi de tout cela et elle propose une fin, un début et un centre à cet art HyperBrut.
Pour expliquer plus en détail, laissez-moi vous raconter l’histoire d’une porte. Cette porte est celle-ci :
Alors que dans le coup de pinceau sur la porte, tant sur le moment que sur le résultat, j’ai ressenti à travers lui la sensation d’un coup de pinceau final, sans même l’avoir cherché, comme un Zorro constatant avec étonnement qu’il vient de signer. Une autre métaphore que j’ai utilisé, était celle de la première pierre posée pour construire un édifice, pierre qui est déterminante pour l’édifice.
Après ce coup de pinceau, huit étapes ont jalonné mon périple jusqu’à l’art HyperBrut.
La première étape est que j’ai reposé mon pinceau. Je voulais vraiment repeindre cette porte, mais le coup de pinceau m’avait si troublé, surpris, que j’ai arrêté, à contrecœur, afin d’attendre. Attendre quoi ? Je ne savais pas et finalement, je n’ai jamais continué de repeindre et cette porte est restée comme ça :
La deuxième étape est que j’ai découvert petit à petit, jour après jour, expérience après expérience, qu’il y avait dans mon quotidien plusieurs équilibres, harmonies, esthétismes, étrangetés, dans le même genre que mon coup de pinceau. J’ai déjà pu vous citer les affichés collées et décollées, le métal qui rouille, la disposition des chewing-gums, une façade d’immeuble qui s’abîme avec le temps, une tache, mais je peux en citer quelques autres, comme par exemple la forme d’un arbre avec ses branches, ou les accidents de son écorce :
La répartition que peuvent avoir les différents graviers qui composent un chemin :
Ou encore, le chemin que trace une fissure dans un mur, la disposition de crayons dans un pot, les éclats d’un verre qui vient de se briser, le mouvement d’un sac plastique dans un vent léger, l’humidité dans un coin de mur, etc.
Voyez-vous de quoi je parle ? Si oui, pour moi ces formes d’équilibres, d’harmonies, d’esthétismes, d’étrangetés sont similaires les unes aux autres, et je trouve la même forme dans le coup de pinceau réalisé sur la porte.
La troisième étape est que j’ai pu partager avec d’autres personnes, ce ressenti d’équilibre, d’harmonie, d’esthétisme, d’étrangeté. Certaines personnes comprenaient et partageaient ce ressenti avec leurs propres mots, d’autres personnes la percevaient moins ou pas du tout.
La quatrième étape est que j’ai commencé à réutiliser cette forme d’équilibre dans ma façon de peindre, puis de dessiner, puis d’écrire. J’explique plus en détail cette quatrième étape dans la partie Réutilisation.
La cinquième étape est que j’ai essayé de nommer cette forme d’équilibre, d’harmonie, d’esthétisme, d’étrangeté. D’abord, j’ai utilisé les mots du dictionnaire et l’assemblage que j’utilisais le plus facilement c’était geste-brut, mais il m’arrivait aussi de dire geste-naturel, geste-spontané, geste-premier, ou alors résultat-premier, résultat-spontané, résultat-naturel, résultat-brut… Cependant je ne trouvais pas cela assez précis, alors j’ai décidé de créer un mot nouveau. Ce mot est GesteBrut.
C’est-à-dire que pour nommer le coup de pinceau, je disais que c’était un GesteBrut. De même pour le métal qui rouille, les chewing-gums, les façades d’immeubles, etc. Et ce mot était pratique car il me permettait de nommer cet équilibre, cette harmonie, cet esthétisme, cette étrangeté, en empruntant un chemin qui n’a pas été encore travaillé par le vocabulaire, puisque ce mot était nouveau.
GesteBrut est un nom commun masculin invariable qui s’écrit avec un G majuscule et un B majuscule. Sa définition est :
Ensemble de gestes et résultats de gestes qui possède une forme d’équilibre, harmonie, esthétisme, étrangeté.
La définition reste à être améliorée. D’ailleurs une précision que je rajouterai, c’est que l’équilibre, harmonie, l’esthétisme, l’étrangeté, proviennent d’une tension entre un côté pensé et un côté pas pensé. Je m’explique. J’avais pensé à repeindre cette porte, mais je n’avais pas pensé à comment serait fait le premier coup de pinceau pour la repeindre. C’est-à-dire, ce n’est pas un hasard si ce coup de pinceau s’est retrouvé sur cette porte, mais ce qui relève plus du hasard c’est la forme qu’a prise ce coup de pinceau, comme les coulures à son amorce ou son remplissage parsemé à la fin. De même pour le métal où on a pensé à peindre en ajoutant une protection contre l’eau, pour tant d’années, mais où on ne savait pas quels aléas précisément allaient entraîner telles et telles dégradations précisément, et ensuite la rouille qui en découlerait. De même pour les chewing-gums pensés pour la vente, mais dont il n’avait pas été prévu comment ils finiraient les uns par rapport aux autres s’ils tombaient en dehors d’une poubelle. Etc.
Avec du recul et en dehors de la définition, j’aimerais ajouter qu’à travers ce GesteBrut qu’était le coup de pinceau, j’arrivais à voir les conditions initiales dans lesquelles j’avais commencé à le réaliser, et les conséquences finales qu’auraient entraînées cette porte repeinte si j’avais continué à la repeindre dans ces mêmes conditions, comme à l’image de la première pierre posée pour construire un édifice. Cependant, je précise, je ne voyais pas tout, mais seulement quelques éléments. Par exemple, je voyais dans les conditions initiales, que j’avais réalisé ce coup de pinceau debout, du centre vers le haut, avec un pinceau, en laissant la porte sur ses gonds, et que je n’avais pas mis ni sur moi, ni autour de la porte, des protections contre d’éventuelles taches de peinture, d’où l’emplacement, la sûreté et le stress visibles dans ce coup de pinceau. Et comme conséquences finales, je percevais que si j’avais continué à repeindre cette porte dans ces conditions, j’aurais très probablement fait des taches, sur la poignée, sur le sol, sur moi, et que la porte n’aurait pas été aussi bien repeinte.
Et pour aller encore plus loin, je voyais aussi ce que j’ai appelé les étincelles, c’est-à-dire les choses qui faisaient que dans toutes ces conditions initiales, j’avais moi-même entraîné cette ébauche de conséquences finales. Et je dirai que les étincelles, c’est tout ce qui animait la réalisation de ce geste. Comme par exemple, la part d’idéal qui s’imaginait pouvoir repeindre cette porte en un clic, sans faire de tache, ou alors la part de plaisir qui se trouvait heureuse de faire ce choix, ou bien la part de paresse qui avait conseillé de ne pas mettre de protections contre les taches, ou sinon la part de peur qui craignait de faire une tache, ou encore la part de besoin qui avait envie de repeindre cette porte et il y a en aussi plein d’autres que j’oublie ou dont je n’ai pas conscience.
Pour illustrer les conditions initiales, étincelles, conséquences finales, j’ai pris l’exemple du coup de pinceau mais il en est de même pour tous les autres GesteBrut.
La sixième étape est qu’en plus de nommer les GesteBrut, j’ai tenté de les attraper et de les montrer. Et pour cela, j’ai d’abord eu pour réflexe de prendre des photos, comme celles que vous avez déjà pu voir. Le premier GesteBrut rencontré et photographié, après le coup de pinceau sur la porte, c’était un pot en verre dans lequel je venais de poser un bouchon en plastique, car c’était dans ce pot que j’avais entrepris de les recycler :
Mais au moment où je venais de faire ce geste, j’ai eu la sensation que ce que je venais de faire était équilibré, comme si j’étais dans une pièce de théâtre, en tant que spectateur de mon geste, réalisant une performance autoportrait dans laquelle j’enlevais un bouchon en plastique afin de le déposer dans le petit pot de recyclage. En dépit de la tournure comique, si j’avais pu mettre des caméras afin de filmer ce geste, sans y prêter attention, j’aurais pu vous le montrer en vous disant regardez ceci, c’était vraiment moi, à ce moment là, en train de faire ça. Mais en plus de ce geste, j’ai aussi remarqué que l’ensemble des éléments qui étaient dans le pot, incluant le bouchon que je venais de poser, tout cet ensemble avait dans sa disposition une forme d’équilibre, comme si c’était une sculpture. Et j’étais là en train de remarquer tout cela et de me dire que ça ressemblait à ce qui s’était passé avec le coup de pinceau sur la porte. Puis je me suis demandé si c’était un GesteBrut, et j’ai pris une photo pour voir si c’était possible de partager cette sensation d’équilibre.
Après avoir pris la photo, ce qui m’a aussi troublé, c’est que j’ai tenté de voir si le bouchon que je venais de poser était un GesteBrut. Je veux dire le bouchon lui-même. Je me suis approché puis j’ai vu qu’il avait par endroits, des petites imperfections industrielles, et la forme de ces imperfections me paraissait elle-aussi équilibrée. J’ai donc vu le bouchon et tous les autres, comme des GesteBrut, des GesteBrut industriels. Et une autre chose qui m’a troublé, c’est que j’ai déplacé légèrement le bouchon que je venais de poser pour voir s’il y aurait toujours un équilibre. Puis une fois que les bouchons du pot venaient d’atterrir sur le tas déjà existant dans la corbeille, je me suis rendu compte que leur disposition était elle aussi équilibrée, et que le geste que je venais de faire, était lui aussi équilibré. Puis, encore troublé, je suis retourné vers ma chambre pour reposer mon pot de recyclage vide, et j’ai vu au fil des semaines, une nouvelle sculpture de bouchons se construire.
Alors j’ai tenté d’attraper et de montrer des GesteBrut audio, comme par exemple, le bruit d’un bar lors d’un soir assez fréquenté, ou le bruit d’un écran de télévision quand il y a de la neige, ou alors le bruit d’une fourchette qui tombe sur du carrelage.
J’ai aussi essayé de faire des installations pour attraper et montrer des GesteBrut, comme par exemple, mettre des nappes de table lors d’un dîner afin de les récuperer après, ou un cadre pour encadrer directement des GesteBrut.
Puis j’ai essayé la vidéo. Une fois, en marchant dans la rue, je me suis rendu compte que l’intersection dans laquelle je me déplaçais, avec l’ensemble des piétons qui circulaient, était un GesteBrut. Alors j’ai essayé de filmer mais avec la vidéo et les moyens dont je disposais, ce n’était pas très concluant. L’idéal aurait été d’avoir une dizaine de caméras montées sur des pieds suspendus de vingt mètres de hauteur, l’ensemble pouvant filmer sous tous les angles, l’intersection. Ou encore plus idéal aurait été de pouvoir extraire l’ensemble de ces piétons, sans les modifier, pour les mettre dans les meilleures conditions possibles afin de capter sous tous les angles, par des caméras, appareils photos, ou par nos propres yeux, l’ensemble du sujet considéré. Mais n’ayant pas ces moyens à disposition, j’ai essayé de trouver une autre solution.
La septième étape est que pour attraper et montrer des GesteBrut, la solution suivante a été de les signer directement à l’endroit où ils se trouvaient. Pour cela j’avais préparé des autocollants avec ma signature dessus. C’était une signature avec mon prénom en forme de code barre, car me rendant compte qu’il y avait beaucoup de GesteBrut, je sentais que j’allais me transformer en machine à signature, et je trouvais que le code barre avec mon prénom symbolisait à la fois un aspect unique et répétitif :
Mais finalement, je n’ai pas posé beaucoup d’autocollants-signatures, car ce moyen présentait plusieurs inconvénients. Par exemple, dans le cas de l’intersection entre les deux rues, le jour où j’ai posé un autocollant-signature, je ne savais pas quel moment précis j’étais en train d’attraper et de montrer. Était-ce le moment où j’ai posé l’autocollant-signature ? Ou alors toute la période pendant laquelle il est resté installé ? Mais alors, quelles limites à ce que j’expose avec cet autocollant ? Et puis, s’il n’y a plus personne qui passe, qu’est-ce qui continue d’être exposé ? Et ce qui me dérangeait davantage, c’est que la signature déformait ce que j’exposais. C’est-à-dire que ce n’était plus juste l’intersection de ces deux rues, ça devenait l’intersection de ces deux rues avec ma signature, et si quelqu’un était amené à remarquer l’autocollant-signature, alors il se retrouverait à être en train de regarder le bout du doigt qui montre le GesteBrut.
À cause de ces différents inconvénients, je n’ai pas tant posé d’autocollants-signatures, mais en plus dans le cas de l’intersection entre les deux rues, au moment où j’ai posé un autocollant-signature, j’ai ressenti la sensation de faire un GesteBrut, aussi fortement que mon coup de pinceau sur la porte ou mon bouchon de bouteille. Certes j’avais pensé à poser mon autocollant-signature, mais je n’avais pas, par exemple, pensé à comment j’allais exactement faire mon mouvement pour le poser. Et pourtant, j’ai vu à travers lui que c’était bien moi, à ce moment là, en train de m’accroupir à cet endroit pour poser mon autocollant-signature pour telles et telles raisons, sur cette intersection. Et après ce ressenti de GesteBrut, tout cela m’a laissé une sensation d’être pris à contre-pied, comme s’il aurait mieux valu que je pose un autocollant-signature de moi en train de poser un autocollant-signature.
La huitième et dernière étape est qu’après la signature, la solution suivante a été de créer une forme d’art. Cette forme d’art je l’ai nommée l’art HyperBrut :
Au début je disais l’art Brut, mais ça existait déjà, alors j’ai rajouté le préfixe Hyper afin de donner l’art HyperBrut, à l’image de l’art réaliste et l’art hyperréaliste. Mais surtout, j’ai donné pour fonction à cet art HyperBrut d’exposer tous les GesteBrut, perçus ou non, directement à l’endroit où ils se trouvent, au moment où ils se produisent. Comme si de manière idéale, cette forme d’art se chargeait d’attraper et de montrer tous les GesteBrut en permanence, sous tous les angles, à n’importe quelle échelle, en mettant, toujours de manière idéale, une signature à chacun d’entre eux, signature qui se renouvelle à chaque instant, les transformant tous en œuvres d’art HyperBrut. La signature n’étant pas un nom, mais une description des conditions initiales, étincelles, et conséquences finales composant le sujet considéré, ressemblant ainsi à un cartel à côté d’une œuvre exposée dans un musée.
Voici quelques exemples pour illustrer l’étendue de cet art. N’importe quelle photographie est un GesteBrut, la façon dont la photographie a été prise est aussi un GesteBrut, la façon dont est exposée la photographie est aussi un GesteBrut, la disposition du public face à la photographie exposée est aussi un GesteBrut, et tout cela est exposé par l’art HyperBrut. Autres exemples, n’importe quel film ou image générée par une intelligence artificielle ou alors ” La Joconde ” tableau peint par Léonardo De Vinci, sont des GesteBrut, les façons dont sont exposées ce tableau ou image ou n’importe quel films, sont des GesteBrut, la disposition du public est aussi un GesteBrut, et tout cela est encore une fois exposé par l’art HyperBrut. Il en est de même pour votre lavabo, le coin de votre rue, les objets ou actions qui font votre quotidien ou je ne sais quoi d’autre.
Mais dans l’HyperBrutalisme que je développe, c’est-à-dire ma façon à moi de vivre avec l’art HyperBrut, j’essaye d’améliorer les conditions initiales qui m’entourent, ainsi que les étincelles qui m’animent, et les conséquences finales induites. Et disons que dans cette amélioration, je tente de mettre de plus en plus de conscience dans les choix que je fais, transformant du mieux que je peux les gestes en actes.
Au moment de créer l’art HyperBrut, j’avais tendance à m’accaparer ce qui pouvait être attrapé et montré par lui, me retrouvant par exemple à dire à un ami peintre qu’il ne fallait plus qu’il touche à sa palette de couleurs car c’était un GesteBrut et que je souhaitais lui prendre telle quelle pour ma prochaine exposition. Il m’est même arrivé de considérer que tout ce qui pouvait être produit était ma propriété puisque c’était exposé par l’art HyperBrut et que j’avais découvert ce concept d’art. Mais j’ai petit à petit changé ma façon d’appréhender ce concept et mon égo, et cela fut en considérant que l’art HyperBrut existait avant que je ne lui donne un nom.
Puis avec le temps, je n’ai plus eu besoin de raconter à tout le monde l’existence de l’art HyperBrut, et cela résolvait cette problématique de poser un autocollant-signature de moi en train de poser un autocollant-signature, car l’art HyperBrut pris dans un certain sens, m’offrait la possibilité de ne pas avoir à expliquer ce qu’est l’art HyperBrut. Ce sens fut de me dire que si l’art HyperBrut sous ce nom ou un autre, s’avère vraiment nécessaire, alors il serait découvert, décrit, et expliqué, un jour ou l’autre, par quelqu’un ou par moi. Et j’ai choisi ce sens car il me paraissait être le plus judicieux pour évoluer, puisqu’en plus de ne pas à avoir à prêcher l’art HyperBrut, cela me permettait d’explorer avec mon imagination, les différentes conséquences que pouvaient entraîner une telle forme d’art si elle était communément connue et acceptée par une société comme celle dans laquelle je vis.
L’idée du concept d’art HyperBrut, comme j’ai déjà pu vous le dire, a commencé à germer à la fin septembre 2014, là où le coup de pinceau sur la porte avait eu lieu début 2014. Quand mon approche avec l’HyperBrutalisme a commencé, je me suis trouvé confronté à plusieurs questions qui ont été :
– Au début, je cherchais à savoir s’il y avait une limite ou autrement dit, s’il y avaient des choses qui ne serait pas des GesteBrut. Pour l’instant, je n’en ai pas trouvé. Ensuite je me suis demandé si mon rôle était d’être un spectateur de ce musée-exposition. Par expérience, je me suis vite rendu compte qu’en étant spectateur du déroulement d’un dîner par exemple, ou d’autres GesteBrut, rien que le fait d’être spectateur, cela modifiait le déroulement du dîner, et je me retrouvais à la fois spectateur et acteur. Je me suis aussi demandé si je devais conserver tout ce qui pourrait être des GesteBrut, comme par exemple les taches. Mais je me suis rendu compte que quand je nettoie une tache, ça fait un GesteBrut, mais surtout, je ne voulais pas me faire envahir par la conservation de GesteBrut par milliers. Je me suis aussi demandé si mon corps était un GesteBrut, si les mots que nous utilisons, composés de leurs lettres aux formes bizarres, étaient des GesteBrut, si les villes avec leurs constructions, les pays avec leurs frontières, les chaînes de montagnes avec leurs reliefs, étaient des GesteBrut. Mais alors, les équilibres reconstitués pour des décors de théâtre, ou de films, est-ce que ce sont des faux GesteBrut ? Ou alors, des GesteBrut différents ? Et les monteurs de vidéos sur internet qui jouent avec les différents aléas qui ont pu survenir lors du tournage, ou les clowns qui improvisent avec le public, est-ce aussi des GesteBrut ? Les séries de téléréalité qui filment sous tous les angles, toute la journée, les faits et gestes de différentes personnes, n’est-ce pas là une tentative d’attraper des GesteBrut et de les exposer ? De même pour les réseaux sociaux où les utilisateurs postent différentes photos de leur quotidien ? Et tout ces médias qui exposent des GesteBrut, n’est-ce pas une forme de matérialisation de ce musée-exposition qu’est le concept de l’art HyperBrut ? Est-ce que l’art HyperBrut expose les œuvres déjà exposées dans des musées ? Et l’art HyperBrut expose-t-il aussi les musées ? L’art HyperBrut est-il est un GesteBrut qui serait donc exposé par l’art HyperBrut ? Faut-il trier les GesteBrut, comme celui qui serait anodin ou artisan, industriel, historique, théâtral, cinématique, télévisuel, exposé, étatique, naturel… ?
Mais au milieu de l’année 2016, à mes yeux, il n’y avait plus que trois questions principales. La première était encore celle du début, savoir s’il y avait une limite à l’art HyperBrut. C’est-à-dire, savoir s’il y avait une fin à ce musée-exposition, un bord, un mur, ou alors des choses qui ne seraient pas des GesteBrut, et qui par conséquent ne seraient pas exposées. La deuxième question était de savoir s’il y avait une singularité, c’est-à-dire un GesteBrut ou peut-être plusieurs, plus spéciaux que les autres, plus particuliers, plus fondamentaux, comme si en comparaison avec le musée-exposition, il y aurait eu une œuvre principale parmi toutes les œuvres. Et la troisième question était de savoir quelle place j’occupais à l’intérieur de ce musée-exposition, ainsi que la vôtre. A l’heure où j’écris, la réponse la plus courte que je puisse donner pour ces trois questions, est que l’art HyperBrut n’a pas de limite, que la singularité c’est à la fois vous, moi, nous et tout le reste, et que notre place à l’intérieur de ce musée-exposition est d’être une singularité. Cette réponse existe sous une autre forme, dans Univers 0. Je le cite rapidement mais c’est Univers 0, découvert au milieu 2016, qui m’a permis de proposer un point final et central à l’art HyperBrut, l’HyperBrutalisme et ses questions.
Vous voici avec une description de l’art HyperBrut. Quelle utilité a cet art, pourriez-vous me demander. Comme réponse, je propose que si ça vous parle tant mieux, si ça ne vous parle pas, ce n’est pas grave. En ce qui me concerne, cet art me permet avec une approche spécifique de voir mon quotidien comme une oeuvre, un énorme GesteBrut en quelque sorte. Il me permet aussi, comme j’ai pu le dire, de poser de plus en plus de conscience sur les choix que je fais. Et cet art m’a aussi permis de réutiliser cette forme d’équilibre, car à côté de ce concept, il y a eu un autre côté plus concret, dans lequel j’ai réutilisé le GesteBrut et son équilibre dans le dessin, la peinture et l’écriture. Vous pouvez découvrir ce côté plus concret dans le prochain chapitre : Réutilisation.